09 octobre 2014

~~ Le Désert des AGRIATES ~~





""On dirait un immense champ d'ossements... Dans cette terre écartée et inquiétante, l'imagination s'égare volontiers : les dolmens sont des vaisseaux de l'ogre et les ponts des constructions du Diable...""
Pierre BENOIT - Les Agriates







""Touffu, impénétrable, inextricable, tout en épines et pourtant habité par les senteurs de l'île, le maquis couvre à perte de vue ce monde étrange, hérissé d'escarpements rocheux, raviné par quelques ruisseaux qui engendrent de petits étangs, uniques oasis de fraîcheur dans un monde torride. Pas de villages habités, de rarissimes maisons le long de la D 81, des vestiges de bergeries, les pagliaghji*, en pierre, couverts de teghje ou de terre. Aucune route, seulement des pistes en piteux état (tant mieux!), chemin d'aventure et de purgatoire avant le paradis des plages de sable fin...""

* ""Vestiges et témoins d’une tradition agro-pastorale qui s’éteint doucement depuis la deuxième guerre mondiale, les Pagliaghji (au singulier pagliaghju) survivent. Leur nom « pagliaghju » qui vient du mot paille en corse, ne concernait à l’origine que les petites constructions destinées à abriter la paille, et le berger lui-même si les conditions climatiques l’exigeaient, sur les chemins de transhumance des troupeaux. Actuellement, c’est le nom que l’on donne d’une façon générale à toutes les petites constructions de pierres sèches disséminées dans les plaines et les vallées historiquement agricole. Si la construction est plus importante on parle de « bergerie ».""





""Entre la Balagne et le Cap Corse, les Agriates représentent 40 km de côtes magnifiques, intactes. La Corse avant la Corse, autant de lieux que le temps n'a pas défigurés. Et pourtant il y en a eu des projets aberrants, comme cette idée d'y implanter un centre d'essai atomique ou de transformer les Agriates en une immense zone de loisirs dédiée au dieu Tourisme. La Banque Rothschild posséda même une grande partie des terres avant le rachat, lent et obstiné, de la quasi-totalité de la façade maritime   par le Conservatoire du Littoral (qui possède aujourd'hui 5500 hectares). OUF! On est soulagé de savoir cette symphonie de rocaille, de lumière et de vent définitivement sauvée des menaces immobilières""







""Reste un ennemi sournois, ravageur, impitoyable : le feu. Le dernier grand incendie remonte à Septembre 1992. En quelques instants, quelques 5000 hectares de maquis (et d'oliviers) sont partis en fumée! Depuis la vie a quand même repris ses droits et le maquis reverdit peu à peu...""

Notre promenade du jour nous mène à Saleccia, la plus grande plage du Désert des Agriates qu'on peut rejoindre à partir de la D 81 par une piste rude normalement réservée aux 4x4. Nous avons  choisi de nous garer devant le camping Acqua Dolce fermé en ce début Octobre et de rallier à pieds cette plage mythique par le sentier du littoral. Plus de 4 heures de marche le long d'une magnifique côte rocheuse entrecoupée de criques, de plagettes, et d'anses comme autant de petits arpents de paradis...







On a beau avoir changé de saison, c'est l'été indien sur l'Île de Beauté. Ne pas oublier de mettre dans son sac à dos de l'eau, des fruits secs, du chocolat... La route est longue longue longue sous le beau soleil de l'été... Mais surtout la route est belle belle belle, sauvage et préservée...















Pendant la première demi-heure de marche en quittant Saint-Florent, le chemin est bordé de belles résidences dont les terrains privés vont jusqu'à la mer, contraignant le marcheur à mettre pied dans l'eau. Puis, le dernier domaine dépassé, tout s'arrange, la randonnée devient plus aisée, le sentier déroule dans le maquis son ruban de pierre et de terre ocre-beige...









































































 


"J'aime les petits lézards aussi secs que les pierres où ils courent. Ils sont comme moi, d'os et de peau"
Albert CAMUS - Carnets








































































""Pour accéder à la tour de la Mortella, située sur la côte est des Agriates, il faut aimer soit marcher, soit avoir le pied marin et posséder un bateau. La tour n'offre plus aujourd'hui aux regards qu'un pan de mur, surmonté d'une demi couronne de mâchicoulis. Cette tour faisait partie du système de défense du golfe de Saint-Florent, commandant l'entrée de ce dernier avec la tour de Vecchiaia, située sur l'autre rive. La tour aurait été commencée en 1553, terminée en 1555 par Andrea Doria..."" 















""Aprés la guerre, la tour, poste avancé de la citadelle, sera occupée en permanence par une garnison payée par Gènes. Elle assurera pendant deux siècles et demi un rôle de surveillance et de protection notamment pour les agriculteurs venant du cap par bateau, ensemencer les terres des Agriates. La garnison n'est pas très nombreuse, par exemple en 1715 elle est composée d'un chef de la tour (Capo), un bombardier et cinq soldats. Les rotations entre la tour et la citadelle se font par barque. Au 18eme siècle, l'intérêt stratégique de cet édifice revient au premier plan. Dés 1727 la tour est attaquée par des corses qui essayent de s'emparer de l'armement. Peut-être un groupe de bandits comme il en existait à l'époque. Puis au cours de la guerre d'indépendance, cette dernière est attaquée en novembre 1760 quand Paoli lui fait tirer dessus. Par la suite Carlo Salicetti prend la tour, faisant prisonnière la garnison génoise. A partir de 1769 la tour redevient le poste avancé de la citadelle, la garnison est maintenant  française.  Mais après la révolution, les anglais en guerre contre la France républicaine, interviennent en Corse. Le 19 septembre 1793 les six hommes du 16ème d'infanterie légère corse, préfèrent abandonner le site plutôt que de combattre la flotte  anglaise...""















""La  tour de Mortella redevient rapidement française. En février 1794, vingt six navires anglais sous les ordres de l'amiral Hood qui venaient d'être chassés de Toulon mouillent à Saleccia. Le 6 février un vaisseau de 74 canons, le Fortitude, et une frégate de 32 canons le Juno, attaquent la tour par la mer. Pendant ce temps des troupes anglaises débarquées la veille, assiègent par la terre l'édifice. La garnison de 38 hommes résiste. Après 3 heures de feu, les anglais se retirent, navires endommagés par les boulets rouges crachés par le canon de l'édifice. Le lendemain les anglais récidivent par la terre avec deux canons. La tour résistera au feu toute la journée du 7 février, toute la nuit suivante et une partie du lendemain. La garnison finit par se rendre. La tour avait été définitivement et sérieusement endommagé, mais sa résistance permit aux troupes françaises de fortifier les hauteurs environnantes. A cette occasion l'amiral Nelson impressionné par la solidité du bâtiment, en fit relever les plans. Quand il fut nommé Lord de l'Amirauté, ce dernier  fit construire un chapelet de tours le long des côtes anglaises et irlandaises qui ressemblent étrangement à la tour de la Mortella et qui ont pour nom "Mortella Towers"...""























Le sémaphore désaffecté de la Mortella















































Nous arrivons à la plage de Lotu après 4 bonnes heures de marche. Au débarcadère, il est possible de prendre le bateau à la belle saison pour rentrer sur Saint-Florent en 20 minutes. Prix du billet 20 euros l'aller simple, 34 euros l'aller-retour. Mais nous ne sommes plus qu'à une petite heure de marche de la plage mythique de Saleccia... "La route est longue, vers Saleccia, et nous marchons plein de courage... Dans l'ouragan nos coeurs qui chantent, s'enivrent de joie et de vent..." Pas le moindre ouragan en vue, un grand beau temps estival s'est lové sur la Corse en ces premiers jours d'Octobre...















La plage de Saleccia est frangée de maquis et de pins d'Alep. Ici furent tournées les scènes de débarquement du film "Le Jour le plus long". Nous débarquons là pacifiquement et nous régalons d'une bonne baignade dans les eaux cristallines en profitant du sable fin pour un bref bain de soleil. Après un bon casse-croûte, nous retournons requinqués vers Lotu, nous n'attendons pas le bateau qui aurait pu nous mener sans fatigue à Saint-Florent, nous reprenons notre bâton de pèlerin pour retrouver juste avant la nuit notre Berlingo/TK-Ravan garé sagement devant le camping Acqua-Dolce qui a fermé ses portes fin-Septembre. La boucle est bouclée, les deux chaussettes du captain sont trouées aux doigts et aux talons, sa Seadream ne déplore qu'une belle ampoule au pouce droit...































































































Impossible et impardonnable de venir en CORSE sans un masque et un tuba. Aujourd'hui, nous avons effectué la plus longue marche de notre vie, et nous allons dormir comme des bébés... Demain, nous mettrons la tête sous les eaux limpides de l'Île de Beauté, à suivre prochainement dans le blog des artistes, des poètes et des voyageurs, si tout le monde est bien sage comme il se doit. Nous avons une pensée pour ceux qui souffrent une fois de plus des intempéries au pied des Cévennes. ThierryKarine.

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